jeudi 30 octobre 2008

La route du Polygone à petite vitesse

Vitrines à l'abandon, rideaux détériorés, façades délabrées... Au début de la route du Polygone, côté Place de l'Etoile, les commerces fermés se succèdent. "L'entrée de Neudorf ne paye pas de mine, ça ne donne vraiment pas envie", soupire Delphine Marimoutou, coiffeuse installée au n°23 de la route. Les commerçants sont quasiment unanimes : la route du Polygone manque de dynamisme. "La rue est en train de péricliter, même si le mot est fort", affirme Christian Bilger, le président de l'Association des commerçants, détaillants et artisans de Neudorf (ACDAN). "Les banques, les assurances, les agences immobilières et les opticiens envahissent l'artère car ces enseignes ont l'argent pour s'installer", ajoute-t-il.
Pour certains, tout s'explique par la crise. Pour d'autres, le vieillissement de la clientèle est en cause. D'autres encore regrettent le manque d'accessibilité. Pourtant, les commerçants étaient nombreux à lutter contre le projet de passage du tramway route du Polygone - au point d'avoir obtenu satisfaction. Aujourd'hui, si certains ne regrettent rien de leur combat d'hier, quelques-uns, comme le président de l'ACDAN, en poste depuis deux ans, admettent que ce n'était pas la meilleure des solutions. "On ne rattrape jamais le temps perdu, ni les mauvaises décisions. On est obligé de faire avec maintenant", déplore Christian Bilger.

N°16 - Restaurant Xinh Xinh

Le restaurant chinois a fermé ses portes le 30 juin 2008. Sur la vitrine, un petit mot pour les fidèles: "Toute belle histoire ayant une fin, malheureusement la nôtre se terminera avec la fermeture définitive de notre restaurant. Nous tenons à vous remercier chaleureusement pour votre soutien sans lequel nous n'aurions pu exister ces quinze belles années. Ce n'est qu'un Au revoir".


« La Ville à prévu de démolir ces bâtiments »

N°18 Un restaurant de spécialités chinoises et vietnamiennes a fermé il y a "deux ou trois mois", selon le gérant de la brasserie située en face.
N°20 Le garage Cycles Courses est fermé au public depuis 3 ou 4 ans.
N°22 Le rideau de fer du magasin d'alimentation générale reste baissé.
Toutes ces devantures vides ont été rachetées par la Ville. "La municipalité souhaite démolir les bâtiments jusqu'à l'angle de la rue d'Erstein", affirme M. Roda, le cordonnier du n°23. "Les habitations vont être reculées, il y devrait y avoir des commerces et des espaces verts", assure
Delphine Marimoutou, la gérante du salon de coiffure Camina.



N°23 - Cordonnerie Joseph Roda

"Ca fait 35 ans qu'on est installé ici. On en a vu, des évolutions. Avant il y avait un chapelier, la boutique à Nanou, des boucheries etc. La droguerie a été remplacée par un tabac, le restaurant libanais a pris la place de la corsetière. Ces changements reflètent plusieurs problèmes : les gens n'ont plus d'argent et avec la conjoncture actuelle, c'est difficile. Nous, nous n'avons pas de problème, car nous avons un métier manuel qui nécessite du savoir-faire. On a réussi à fidéliser notre clientèle."

N°25 - Coiffure Camina - Delphine Marimoutou

"Nous sommes installés ici depuis deux ans. A Neudorf, c'est vieillot, il n' y a rien pour les jeunes. C'est pour ça que je veux attirer une clientèle jeune dans mon salon en proposant des nouvelles techniques de coupe etc. Ces derniers temps, on ressent la crise actuelle. Il y a moins de fréquentation surtout après le 20 du mois. On fait toujours un bon début de mois mais après les gens se serrent la ceinture."

N°43 - Salon de thé chez Annick - Mme Arslan

"Je travaille ici depuis presque dix ans et je pense que je vais fermer mon commerce l'année prochaine. Je n'arrive plus à payer mes factures. Les taxes sont trop chères. Avec l'interdiction de fumer en plus, ça ne marche plus comme avant. J'ai perdu 40 % de mon chiffre d'affaires depuis janvier. La Ville devait aider les commerces après l'interdiction de fumer dans les lieux publics, mais elle ne l'a pas fait."


N°48 - Pressing de l'Etoile - Mme Stenger

"Il y a pas mal de fermetures, c'est sûr. Les gens vont plus en centre ville. Depuis l'ouverture de Rivétoile, il y a moins de monde, mais parce que la route manque de diversité. Dans mon secteur, il n'y a pas de baisse de fréquentation. Cela fait 38 ans qu'ici il y a un pressing. Je l'ai repris il y a quatre ans et depuis tout va bien."


N°55 Tribal Vibe

Cette boutique d'artisanat africain est fermée depuis deux mois: "ça ne marchait pas trop", dit la pharmacienne du coin de la rue. "Il était là depuis trois ou quatre ans".



N°59 - Cordonnerie - M. Ozcan


"Les boutiques qui ferment, c'est partout pareil. On est tombé dans une crise et ça ne va pas s'améliorer. Pour ma part, le chiffre d'affaires a été légèrement touché mais je ne le ressens pas trop parce qu'il y a le cordonnier situé au 116 route du Polygone qui vient de fermer, donc ça en fait un de moins."

N°64 Blumstein Fleurs - Roger Blumstein

"La route est en perpétuel changement. Il y a des fermetures parce que les gens sont âgés et parce qu'ils ne trouvent pas de repreneur. Il y a ici un problème de parking de proximité. Quand la route du Polygone a été refaite, on a supprimé des places. On espère que les gens qui iront à pied à Rivétoile passeront devant le magasin et s'arrêteront".


N°73 Optic 2000 - Catherine Michalak

L'enseigne a remplacé une boutique de vêtements en 2000. "J'ai l'impression que ça vit moins qu'avant. Des magasins ne sont pas repris, d'autres le sont par des banques ou des opticiens (rires). Il y en a beaucoup sur la route du Polygone. C'est devenu compliqué de venir à Neudorf maintenant que le tram passe Place de l'Etoile. Il y a de gros problèmes de circulation et des sens interdits partout."

N°74 - Boutique Jany's

La boutique Jany's a fermé il y a un an "à cause d'un manque de rentabilité", selon la responsable du magasin de chaussures situé juste à côtés. "Les derniers patrons s'étaient installé ici il y a deux ans mais perdaient de l'argent ces derniers temps". "C'était une belle boutique que nous regrettons".


N°76 - Sagone (chaussures)
"Il y a une perte de dynamisme évidente. Les nouveaux clients se font de moins en moins nombreux. Dans mon magasin, j'ai remarqué une baisse de la fréquentation depuis deux ans mais pas trop du chiffre d'affaires. Mais ça inquiète quand même, on se remet en question. On prend l'ouverture de Rivétoile comme un événement positif parce qu'il n'ont pas des produits de qualité comme nous en vendons".


N°80 Copelia (mercerie) - Renate Kain

"Sur cette route, il y a déjà eu une période où les commerces fermaient. Il y avait ensuite eu une reprise et maintenant ça ferme de nouveau. Mais c'est partout pareil. Depuis que le tram roule, l'accès est plus difficile. Il détourne les gens. Et la crise ajoute son reste. Rivétoile concurrence parce que les gens y dépensent de l'argent. S'il veulent acheter quelque chose chez moi, ils n'ont plus d'argent. Mais tant qu'il n'y a pas de mercerie là-bas, je ne me fais pas de souci."


N°81 - Oze Lingerie

"Des banques, des assurances... tout sauf des commerces de textile s'installent ici. Beaucoup de boutiques ferment parce que les gens partent à la retraite ou simplement parce que ça ne marche pas. Nous avons une clientèle fidèle mais c'est la crise. Les gens achètent plutôt l'utile. La baisse de fréquentation est là. Ce sont les jeunes qui nous manquent le plus parce que les personnes âgées nous quittent et nous n'arrivons pas à renouveler notre clientèle."

N°90 - La Table Verte, épicerie bio - Simone Grussi

"Je me suis installée ici le 1er octobre parce que c'est un des quartiers de Strasbourg où il reste un centre ville. Mon idée c'était de développer un commerce de quartier pour les clients isolés. Je ne ressens pas du tout la crise. Mes clients s'en plaignent beaucoup mais viennent tout de même s'approvisionner ici. Ils sont très intéressés par le bio et la décoration particulière de la boutique. "


Une carte de fidélité contre la morosité

Au premier trimestre 2009, l'ACDAN mettra en place la carte de fidélité Neudorfidé. Les clients capitaliseront des remises à chaque achat effectué dans les commerces partenaires. Les sommes cumulées pourront être dépensées dans n'importe quelle boutique adhérente. Cette carte de fidélité fera son apparition quelques mois après l'ouverture du centre commercial Rivétoile sur les fronts de Neudorf. Pour Christian Bilger, le président de l'ACDAN, "ça n'a aucun rapport, la mise en place de la carte est en gestation depuis un an". Le projet Rivétoile n'est-il pourtant pas né il y a dix ans?

Floriane Andrey
Sophie Albanesi

76 places, 300 candidats pour la nouvelle maison de retraite


76 places - et déjà plus de 300 dossiers en attente. Elle ne fonctionne pas encore que déjà la nouvelle maison de retraite de l'avenue Jean Jaurès est surchargée de demandes. A l'approche de l'ouverture, la directrice de l'établissement, Martine Heros-Jordan, examine les demandes au cas par cas. Il lui faut définir qui peut bénéficier d'un accueil dans son établissement. De multiples critères entrent en jeu.

"300 dossiers, cela ne veut pas dire qu'il y a 300 personnes qui remplissent les conditions d'admission", explique la responsable de l'établissement. "Beaucoup de demandes ne sont pas, ou pas encore actuelles. Certaines personnes sont décédées, la santé d'autres candidats s'est dégradée. Il y a aussi les demandes préventives de gens qui peuvent encore rester chez eux". Les premières candidatures sont arrivées en 2005. Etant donné le manque de places et le temps d'attente pour entrer dans un établissement, les personnes âgées et leur famille font leur demande bien avant d'en avoir besoin. Dans le choix de Martine Heros-Jordan, le critère temps est important: plus tôt on a déposé un dossier, et plus on a de chances d'être accueilli.

Priorité aux Neudorfois

Comme tout établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), la nouvelle maison de l'avenue Jean Jaurès a pour vocation d'accueillir des personnes qui ne peuvent plus vivre seules, sans accepter les grabataires, qui, eux, relèvent du long séjour. Dix places en "unité de vie partagée" sont réservées aux patients souffrant d'Alzheimer. "C'est un espace sécurisé. On ne peut pas en sortir sans digicode. Ces unités correspondent à une phase relativement fréquente dans la maladie, avec des fugues, une perte des repères spatio-temporels", explique la directrice de l'établissement.

Si le dossier médical joue un rôle majeur dans le choix des futurs pensionnaires, Martine Heros-Jordan reste attentive au contexte social et familial. Elle donne la priorité aux habitants du quartier: "Il est important que les personnes restent dans leur environnement habituel. La majorité des demandes viennent d'ailleurs de Neudorf".

Un deuxième établissement en projet

L'établissement devrait ouvrir ses portes dans le courant du mois de novembre, dès qu'auront eu lieu les contrôles de sécurité et de conformité. A Hospitalor, l'association qui gère l'établissement ainsi qu'une trentaine d'autres, on espère que tout sera en place pour le 17 novembre. A partir de cette date, les entrées se feront de manière progressive, au rythme d'une vingtaine de personnes par semaine.

L'explosion des demandes d'hébergement montre l'ampleur du besoin. Selon une étude de la ville, il manquait à Strasbourg, en 2003, 400 places d'accueil et d'accompagnement. Le département a donc décidé d'un plan d'action qui prévoit la construction de cinq établissements, dont deux à Neudorf: celui de l'avenue Jean Jaurès, et un autre, encore en projet, dans la zone Danube. Erna Jung, chef des services établissement et institution au Conseil général du Bas-Rhin, ne sait pas si ce plan d'action suffira pour répondre à l'urgence de la situation dans la CUS. "Le Bas-Rhin étant une des régions les mieux équipées, la priorité a été donnée à d'autres régions. Il y a eu alors un blocage pendant plusieurs années".

Dans l'EHPAD, l'effort est mis sur la prise en charge non médicamenteuse. Le personnel a prévu d'organiser des activités et des animations comme des ateliers de cuisine. Il promet de s'adapter à la demande des hôtes des lieux, dès leur arrivée.

Gaëlle Dietrich