mais les Neudorfois s'y sont opposés. Une brasserie a finalement été installée.
Le nouveau conseil de quartier de Neudorf sera en place à partir de la mi-novembre. Ici comme ailleurs, les habitants ont testé déjà deux formules pour ces instances de concertation nées à Strasbourg en 1996, et rendues obligatoires par la loi depuis 2002. Une troisième verra le jour à partir du 19 novembre prochain.
Philippe Morel, 49 ans, habite Neudorf depuis 1989 et a vécu toutes ces étapes. Il y a douze ans, il s’est réjoui, comme d’autres, de la décision de la maire socialiste Catherine Trautmann de donner la parole aux administrés. A l’époque, il est persuadé que sa voix comptera, mais il est rapidement déçu. « C’était déjà l’adjoint de quartier qui pilotait, pas une personne indépendante », déplore-t-il.
Vice-président de l’association des amis et résidents de Neudorf (ARAN), Georges Hildwein, 68 ans, croyait quant à lui en l’efficacité du dispositif - « l’adjoint était quelque part un relais direct avec la municipalité » - mais, souligne-t-il, « les habitants étaient plus ou moins là sur invitation » et il n’y avait pas de « réunions publiques avec 100 personnes ».
Première véritable pomme de discorde, le projet d’implantation d’un Mcdonald’s sous le théâtre Scala, route du Polygone. Confrontée à une pétition contre un « rez-de-chaussée commercial », la mairie renonce. C’est finalement une brasserie qui s’installe.
L’aménagement de la place de l’Etoile, l’arrivée du centre commercial Rivétoile et l’implantation de l’UGC ciné-cité sont les autres sujets qui fâchent à l’aube de l’an 2000. « Chaque grand projet était présenté comme étant inéluctable », affirme Philippe Morel. « Il était impossible pour les habitants, même majoritaires, de remettre en cause quoi que ce soit. On ne nous laissait discuter que des choses insignifiantes, comme de la construction de petites placettes.» "Nous organisions beaucoup de réunions avec les riverains, y compris sur les grands sujets", se défend Claudine Arnold, l'adjointe de quartier de 1995 à 2000. "Je me souviens de levées de boucliers phénoménales. J'en ai pris plein la tête pour pas un rond. Je comprends que des frustrations aient pu naître. Mais les citoyens ont été écoutés, à défaut d'être toujours entendus. Il est normal que le politique tranche à un moment donné. Et puis, ces comités de quartiers avaient déjà le mérite d'exister à une époque où ils n'étaient pas obligatoires."
“ Des organisateurs de festivités ”
2001, changement de majorité. A grand renfort de promesses électorales, Fabienne Keller et Robert Grossmann entendent donner l’image d’un tandem réceptif aux attentes des habitants. Les comités de quartiers laissent place aux conseils de quartiers. « Cela a rapidement dérapé », se souvient Georges Hildwein. « Les événements brûlants qui animaient l’actualité étaient exclus du champ de discussion. »
Malgré son expérience passée, Philippe Morel part, lui, avec un a priori positif et ne manque pas une réunion. «Sous Keller, ça démarrait bien sur le papier mais les bonnes intentions ont tourné court », témoigne-t-il. « Un bureau a été nommé par la municipalité pour une période de deux ans, au terme de laquelle il devait y avoir des élections. Je me suis vite rendu compte qu’encore une fois, les sujets importants étaient systématiquement évacués. Le tracé du tram, la traversée d’une route sur les espaces verts du Kur Garten ou la destruction programmée du pont Churchill ne sont jamais venus alimenter les débats. L’ordre du jour était toujours le même : la rénovation de la place du Neufeld ou de celle du collège Jean Monnet, la propreté dans les rues, l’organisation d’une course populaire… »
En 2003, Philippe Morel envisage de se présenter aux élections du conseil de quartier de Neudorf. Mais le rendez-vous électoral, censé donner une légitimité démocratique au bureau, est annulé par la mairie au prétexte que sur l’ensemble de la ville, les candidatures ne sont pas assez nombreuses. Philippe Morel accepte de rejoindre l’équipe en place. Cependant, minoritaire au bureau, il ne réussit pas à influer sur le contenu des avis consultatifs remis régulièrement à la municipalité. « Nous avons monté une opposition avec ceux qui nous soutenaient et qui approuvaient nos remarques à chaque réunion. On se rencontrait en dehors des conseils pour réfléchir à des moyens de résister aux décisions prises sans concertation. » Désabusé, Philippe Morel finit par démissionner, le 8 mars 2006, en compagnie de quatre autres membres du bureau. Deux ans à peine après avoir pris ses fonctions…
Nommé porte-parole du conseil de quartiers entre février 2003 et novembre 2006, François-Xavier Weibel assure de son côté qu’il a été tenu compte de l’avis des Neudorfois : « Leur quotidien a été amélioré. La mairie nous laissait par exemple carte blanche sur les aménagements de places. Mais il est vrai que nous ne pouvions pas remettre en cause les grandes orientations votées en conseil municipal. Dès lors qu’un projet est acté et validé par les élus, il est normal que l’on ne puisse pas revenir dessus. » Et d’ajouter : « Repenser un projet, ça coûte du temps et de l’argent. » Geneviève Werlé, l'ancienne adjointe de quartier, assume quand à elle la politique menée dans les conseils. "A plusieurs reprises, je n'ai pas voulu relancer une énième phase de concertation. Surtout après le lancement des enquêtes publiques", souligne-t-elle. "On peut décider de palabrer cinq ou six années supplémentaires, mais on ne mettra jamais tout le monde d'accord. L'intérêt général doit primer. Les gens ont trop souvent tendance à défendre leur pré carré."
« Faute de dialogue, les conseils sont peu à peu devenus des organisateurs de festivités », relève pour sa part Georges Hildwein. « Ils jouaient le rôle de simples associations. Ça n’avait plus aucun intérêt. On discutait à bâtons rompus et l’assistance était de plus en plus clairsemée.»
Des nouveaux conseils plus indépendants
2008, les socialistes et leurs alliés reviennent au pouvoir. Roland Ries fait de la démocratie locale l’une des priorités de son mandat. Les nouveaux conseils de quartiers seront installés à partir du 19 novembre prochain pour une durée expérimentale de deux ans. Le maire leur a promis davantage d’autonomie. Aucun élu ne pourra se rendre aux réunions, qui rassembleront deux tiers d’habitants et un tiers d’acteurs associatifs ou socio-professionnels. Une Exit l’adjoint de quartier, le bureau sera seul maître de son ordre du jour. « Aucun lien hiérarchique n'est établi entre le conseil et l'adjoint ou l'administration municipale », assure-t-on à la mairie. Quant au porte-parole du conseil de quartier, il sera désigné au sein du collège des habitants par un bureau élu, à défaut d’être nommé par la ville comme par le passé.
En revanche, les habitants non membres ne seront plus libres de se rendre dans ces instances quand bon leur semble. Pour le public intéressé, une réunion publique annuelle sera programmée, qui présentera l’avancement des travaux.
Un budget de fonctionnement d’environ 30 000 euros est attribué à chaque conseil de quartier. “ Une bonne chose pour leur indépendance ”, relève Philippe Morel. La somme servira notamment à rémunérer un animateur professionnel, neutre et externe à la collectivité, chargé de mener les débats. Enfin, la municipalité devra désormais motiver ses décisions si celles-ci sont contraires à l'avis remis par le conseil de quartier.